Le peintre comme le musicien est un homme qui dit oui : la musique tout comme la peinture est une parole positive, une conquêtes sur le silence et le néant.

L’œuvre de Tobiasse comme toutes les voix des grands créateurs à travers l’histoire et le temps est une affirmation, un cri, un tracé net, ferme et définitif, la mesure du temps qui passe… Mais aussi un don du cœur, une interrogation, un transfert des forces vives et puissantes qu’il libère. L’artiste et l’Homme tout entier est là, simple et nu à l’écoute comptable de ce qu’il a reçu depuis des siècles. La solitude et le silence parfois pesant de l’atelier sont les moyens de capter l’impalpable et l’indicible, l’énergie vitale afin que sa voix porte ;  Tobiasse sent battre violemment contre ces quatre murs, la houle du monde : au mur de verre perméable à tout bruit, battements d’ailes et de cœur comme à toute joie ou souffrance …

C’est la nostalgie, parfois la mélancolie, toujours l’élan poétique qui apparaissent dans ses œuvres dans leur trait haché si particulier, dans leurs couleurs tantôt vives tantôt étouffées… L’orient imprègne chaque création avec ses sons, ses gens, ses tapis, ses théières et ses grandes familles, ses mariages émouvants et ses chandeliers, son vestiaire et ses bergers…. Avec aisance Tobiasse campe une scène détaille un personnage ou un intérieur à petit coup juste et précis d’un trait crénelé et noueux. La main court laissant sur son tracé une tendresse attentive, une verve saisissante et aiguë… Ne faisant aucun emprunt à personne, Tobiasse s’inscrit dans le présent pour mieux restituer, sans fard, le visage de notre époque certes, mais également celui du passé;  il traque l’intemporel à l’aide d’une éloquence stricte et de contours d’une elliptique concision….

Sans cesse, la plume, le crayon, ou la brosse à dents, il reprend des séries de thèmes familiers accumule quantité de notes, collage, pastel dessin ou simple croquis qui serviront plus tard ou jamais; véritable carnet de voyage à travers le temps et les émotions comme le faisait Constantin Guy ou Forain, mais avec une impressionnante vérité, virtuosité et une admirable unité de style.

Ses lithographies et ses gravures, ses dessins ou ses pastels, ses toiles ou ses sculptures ne sont pas isolés les uns par rapport aux autres, parties d’un grand tout elles se répondent et se complètent, elles sont la source et la racine pour d’autres créations souvent l’étincelle pour d’autres moyens d’expressions ainsi ses toutes récentes gravure sur linoléum où il donne une fois encore en noir et blanc toute la mesure de son talent avec économie, invention et une grande intelligence. Ses origines l’aident à élargir son horizon spirituel et plastique par l’introduction d’éléments du rêve du souvenir de l’imagination mêlés à ceux tirer du folklore ou de l’histoire Sainte. Incluse dans son époque l’œuvre de Tobiasse y constitue une enclave particulière, d’une certaine intemporalité. Cavalier solitaire mêlant passé et présent, observations et inventions, expérience vécue et rêve, Tobiasse est en ça et ce n’est pas son moindre mérite un des grands rares constructeurs d’images au sens noble du terme dans une époque où tant de créateurs cherchent par tous les moyens à les détruire…

Dans l’atelier la lumière pénètre, tamisée par de grands voilages; de grandes tables sont disposées tout autour, surchargées de projets, de notes, de maquettes et de dossiers… Un étroit chemin a été gagné entres elles et à gauche comme à droite, pastels, papiers, crayons, brosses, tout est là pour la main pour noter, tracer, respirer en quelque sorte… Au mur les plats gravés en plâtre font sage figure à côté de coupures de journaux, d’anciens dessins, de phrase notées, de racines, et de chapeau, d’anciennes toiles… tout un peuple du jour et de la nuit comme autant de cailloux lumineux au sein du dédale…

Pour observer le mouvement de la vie il faut être au moins aussi rapide qu’elle, actif et disponible alors, alors seulement l’immesurable, l’intemporel, l’infini peut naître. C’est là le vrai talent de Tobiasse le son unique de sa voix, l’écho de sa clameur.

Michel Bobhot
Paris mars 1988 
Extrait de « Grandes heures  pour graffiti d’amour éditions E.Navarra Paris 1989