Catherine
Tobiasse
nous raconte...
Théo et
ses amis
Hommage
à mon père
Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours vu mon père avec un crayon ou un pinceau à la main, même à l’époque où il travaillait encore dans la publicité et où, sous ses doigts, prenaient forme les maquettes des plus beaux immeubles à construire de la Côte d’Azur. C'était une période féerique pour l’enfant que j’étais, lorsque son atelier était envahi de papier gazon, doré, gaufré, suédine… Il y avait là tous les papiers et tous les crayons de couleur du monde ! C’était dans les années 50 et il dessinait déjà sur tout avec sa marotte de tout personnaliser d’une touche de fantaisie ! C’est ainsi que vélos, frigos, solex, voitures, téléphones se retrouvaient systématiquement décorés de marguerites, de grands chevaux mythologiques ou encore de paysages enchantés...
Tout n'était
que foisonnement
Un peu plus tard dans les années 60, ce fut la période où il se mit à ramasser et à collectionner de vieux boulons et des plaques d'égouts défoncées, que l'on trouvait ensemble parfois, dans les rues de Nice. Autant de trésors qu'il rammenait dans son atelier à la maison, sous les yeux horrifiés de ma mère. "Une belle plaque de gravure comme ça j'allais pas la laisser par terre", disait-il.
Chez mon père, tout n’était que foisonnement, exultation et jubilation de peindre, de travailler… Son atelier était plein. Plein de tout ce qu’un homme peut porter en lui de rêves, d’oublis, de délires, et qui semblaient déposés là comme des bribes de vie. Un endroit habité par la passion où se mêlaient la musique, les couleurs et l’odeur de la térébenthine. Le jeudi, j’étais préposée au lavage de ses pinceaux, une mission pour laquelle j’essayais d’être bien sûr à la hauteur en les faisant tourner de tout mon cœur dans le savon de Marseille. J’avais 7 ans et je le vivais comme un honneur.
Ce bonheur
de lumière
Ce bonheur de lumière, de mer et de ciel immense qu’il avait découvert sur la Côte d’Azur était à la mesure de la tragédie de la Shoah qu’il avait vécue jeune homme et qu’il avait ensuite occultée pendant plus de 60 ans… Une blessure qui continuait de le hanter jour et nuit. Sa famille venait de Lituanie et il en avait gardé des réminiscences qui se déposaient sur ses tableaux comme des lambeaux de mémoire.
Il dessinait comme on écrit, et il écrivait comme on dessine. Le dessin était pour lui un langage essentiel, à la base de toute son œuvre, sa vraie signature. Pur, libre, sans artifice, épure quasi musicale, il était selon lui l’âme de sa création. « Le dessin, c’est la symphonie autour de laquelle s’installe l’orchestre des couleurs. »
Catherine Faust-Tobiasse
“Le dessin, c’est la symphonie autour de laquelle s’installe l’orchestre des couleurs.”
Théo Tobiasse